Les liens que nous tissons
Édito de Sébastien

Rony Joaquin Figueroa, Mathieu Hérard, Kizis, Rodney Diverlus, Drew Bathory, Nicholas Bellefleur © Marie-Andrée Lemire
Pour écrire cet édito, l’idée de parler de la notion de bonding m’est venue à l’esprit, ce lien qui s’établit entre les individus engagés dans un processus de création. Le bonding se traduit difficilement en français, on parle souvent d’une connexion ou de lien significatif qui se tisse entre des personnes. En anglais, le terme bonding renvoie au fait de développer une relation profonde et durable (« process of developing a close and lasting relationship »).
Dans un processus de création, cette notion de bonding se manifeste bien souvent. L’espace de la création favorise l’établissement de liens significatifs avec d’autres artistes et collaborateur·rices. L’instant d’un processus, ces relations se développent, mutent, se transforment au contact du groupe, au contact de l’autre. Ce sont de petites familles que l’on crée, choisit, développe ensemble, autour d’un même objet artistique.
L’art vivant se vit et se partage en communauté, prend tout son sens au contact des autres. En découvrant le métier d’artiste en danse dans ma vingtaine, c’est un des éléments qui m’a le plus marqué. Lorsque je partage du temps en studio avec d’autres artistes, j’ai souvent le sentiment de connaître ces personnes depuis 10 ans, alors que ça fait seulement 2 semaines qu’on se côtoie. Par le mouvement, la danse a la capacité de nous relier d’une manière différente que par les mots. Le mouvement crée une sensation de connexion profonde et intime, vécue à travers les sensations et le corps.
Vivre ces moments de bonding, c’est aussi accepter leur caractère éphémère. C’est accepter de vivre cette montagne d’émotions qui accompagne chaque spectacle, ce sentiment d’euphorie mêlé à la sensation de vide qui nous habite lorsqu’un processus se termine. Mais avant tout, c’est accepter que ces émotions nous renvoient finalement à la beauté de la création ; cette opportunité que nous offre l’art d’être plus sensibles, plus vivant·es et plus humain·es à la fois.
Édito de Sébastien Provencher, extrait de l’infolettre de Lorganisme, juillet 2024.